Réponse de la Confédération paysanne de Charente à la consultation du CROPSAV sur le projet d'arrêté portant déclaration d'infection de tuberculose bovine dans la faune sauvage

Consultation sur le
projet d'arrêté portant déclaration d'infection de tuberculose bovine dans la faune sauvage en Charente
Arrêté du 7 décembre 2016 relatif à certaines mesures de surveillance et de lutte contre la tuberculose lors de la mise en évidence de cette maladie dans la faune sauvage
Avis et propositions
Nom de la structure : Confédération Paysanne de Nouvelle-Aquitaine
Nom du représentant : Benoît Delage
Avis : défavorable
Pour notre syndicat, au regard de ce projet d'arrêté, la gestion de la tuberculose bovine engendre plus de problèmes par les mesures qu'elle impose aux éleveur-se-s que la maladie elle-même.
L'installation de double-clôtures, pédiluves, points d'abreuvement artificiels ou encore la gestion du fumier, pour ne mentionner que quelques exemples, représentent pour les éleveurs des contraintes financières et de temps considérables. Les coûts engendrés étant tout simplement impossibles à supporter.
Les éleveur-se-s ne contestent pas les mesures de biosécurité, mais dénoncent la non prise en charge financière des mesures qui leurs sont imposées pour protéger le statut indemne de la France à l'égard de la tuberculose.
Pour rappel, les élevages n'étant pas maitres des prix d'achat des animaux, il leur est impossible de répercuter les coûts des mesures imposées sur les prix de vente.
Sur l'application de l'arrêté préfectoral précisément en Charente :
Nous estimons qu'il est tout à fait injuste, alors que de nombreux départements français sont concernés par la tuberculose, que seuls quelques-uns en martyrs, comme la Côte d'Or, la Charente, ou d'autres départements de Nouvelle Aquitaine soient tributaires des mesures drastiques telles que celles qui sont proposées en article 9 de cet arrêté, et financent à eux-seuls la lutte contre la tuberculose.
Alors que les contrôles sur la faune sauvage se durcissent eux-aussi, les éleveur-se-s subissent une double-peine. La faune sauvage récupérée à proximité des élevages conduit à une augmentation des contrôles au sein des exploitations, et par extension à un taux d'abattage beaucoup plus conséquent dans les départements concernés.
Dès l'année prochaine, les élevages ayant des parcelles voisines des élevages foyers (et, à terme, les 20 000 élevages des zones à prophylaxie renforcée) devront réaliser une double prophylaxie avec une intradermotuberculination comparative (IDC) et procéder à un interféron sur tous les animaux de plus de 12 mois, chaque test non-négatif déclenchant l'abattage d'un animal. Au regard de la fiabilité de ces tests, il y a fort à parier que les abattages seront massifs, et concerneront pour la majorité d'entre eux des animaux sains.
La nature-même de ces mesures augmente le risque de détresse psychologique des éleveurs et des éleveuses de ces zones, déjà soumis à une prophylaxie stricte et à des abattages sanitaires souvent inutiles. Même si les seuils de l'interféron doivent être revus, ni les éleveurs, ni les citoyens ne resteront inertes face aux nombreux abattages d'animaux sains.
Pourtant, la volonté d'éradiquer la maladie dans quelques départements seulement ne permettra pas de la contenir ailleurs, où elle peut toujours s'étendre.
Sur la mise en péril de la filière et particulièrement charentaise :
De surcroît, force est de constater que l'abattage massif perpétré depuis plusieurs années dans les foyers de tuberculose ou à proximité de ceux-ci n'a pas permis d'enrayer la maladie.
Il va sans dire que ces mesures sont appliquées uniquement dans l'objectif de protéger le statut indemne de la France dans une visée d'exportation de la viande française. Et elles le sont partiellement pour contenir, sous-couvert d'une infection plus importante, la colère des éleveurs et éleveuses à quelques départements seulement.
L'application de ces mesures et l'abattage de nos animaux produit un effet de cannibalisation dont on ne peut point douter. L'abattage n'est absolument pas anodin pour une ferme qui doit stopper son activité pour deux années, avertir ses client-e-s de la suspicion d'un foyer de tuberculose sur l'exploitation (pour les nombreux producteurs du département fonctionnant en circuit-court), et revient à programmer la fin de son activité et déstabiliser toute l'économie locale.
Ces dispositions sont contraires aux demandes des collectivités et des élu-e-s pour une alimentation de qualité, la primeur aux circuits-courts et le soutien des producteur-trice-s du territoire. Sans structures locales pour alimenter les un-e-s et les autres, toutes ces promesses sont vaines.
Conclusion :
Les agriculteur-rice-s ne peuvent pas soutenir les coûts induits par les mesures de biosécurité proposés par l'arrêté portant les mesures de lutte contre la tuberculose bovine, et il est inconcevable que seuls quelques départements soient touchés par ces mesures drastiques. Pire encore, il est certain que celles-ci ne permettront pas d'éradiquer la maladie, et anormal qu'une poignée d'agriculteur-rice-s seul-e-s financent cette déconvenue. L'avenir des producteurs et productrices de viande bovine sur le territoire est fermement menacée et desservira à terme l'objectif convoité : l'assurance d'exporter la viande française.
Tous les éleveurs et éleveuses refuseront d'appliquer quelque mesure que ce soit tant qu'elles ne seront pas prises en charge par l'Etat, complété par l'interprofession, pour une prise en charge du coût de ces mesures dans leur totalité.
Pour toutes ces raisons, la Confédération Paysanne de Charente émet un avis défavorable à ce projet d'arrêté. Ces mesures ne nous semblant par ailleurs non pertinentes, si elles doivent être imposées, elles le seront uniquement si des mesures financières prenant en charge la totalité des coûts impliqués par ces mesures d'hygiène les accompagnent.
Proposition(s) :
Si la lutte contre la tuberculose bovine doit permettre de protéger le statut indemne de la France dans un souci d'exportation de la viande française, nous estimons que tous les éleveurs, les éleveuses et donc la filière, doivent être mis à contribution dans la lutte contre la tuberculose bovine et non seulement celles et ceux de quelques départements.
La position de la Confédération Paysanne sur la question des CVO* est claire : elles sont contestées lorsque les accords étendus qu'elles sont censées financer n'apportent aucun service aux producteur-trice-s qui y sont assujettis.
Néanmoins dans ce cas de figure précisément, la lutte contre la tuberculose bovine et les possibilités d'export qui en découlent favorisent sans aucun doute l'ensemble de la filière. Dans toutes les autres filières, c'est une pratique très répandue et il n'y a aucune raison pour que la modernité n'arrive pas jusqu'à la filière de viande bovine : les éleveurs et éleveuses doivent mutualiser le financement de ces mesures à la hauteur des volumes qu'ils et elles exportent, sans qu'un groupe paie les conséquences de la maladie pour toutes et tous. InterBev doit compléter les financements de l'Etat pour l'application de ces mesures sanitaires drastiques si celles-ci sont imposées, de sorte à ce que le coût soit nul pour les paysan-ne-s.
Nous savons que l'abattage des animaux est plus rentable que la recherche pour éradiquer la maladie. Néanmoins, ce sont à nouveau les éleveur-se-s qui sont lésés, leurs cheptels étant abattus. Pour notre syndicat, seule la recherche, financée par l'interprofession - puisqu'elle bénéficierait à tou-te-s les producteur-trice-s - est un moyen durable et donc rentable de traiter la question de la tuberculose bovine sur le territoire français.
Dans cette période déjà compliquée pour chacun-e, les éleveur-se-s ont le net sentiment d'être laissé-e-s pour compte. Les indicateurs sociaux tel que le taux de suicide parmi la profession sont clairs : continuer le recours à des pratiques aussi vaines que fatales n'arrangeront pas la situation et ne permettront pas de trouver des solutions.
Si l'Etat impose des mesures sans rien vouloir proposer en retour, la maladie doit être déclassée, sans quoi les dommages subis par les éleveurs et éleveuses seront irréversibles. Ils-elles refuseront d'appliquer ces mesures et de condamner leurs élevages.